Visite du Réseau IDée à Ciney

Tous les deux ans, le Réseau IDée organise les Rencontres de l’Éducation relative à l’Environnement (ErE). En 2014, ce thème associe l’inclusion sociale. Le 26 juin à Ciney, nous avons pu entendre des témoignages de groupes de personnes fragilisées s’étant autonomisées via des expériences d’éducation à l’environnement. A titre d’exemple, voici des échos de la création de la pièce de théâtre « Sauve qui peut » par un groupe du CPAS de Ciney, et des « Ambassadeurs du Passif » (Ambapa’s) à Molenbeek.

1. Description des projets

1. Le spectacle « Sauve qui peut » a été créé par un groupe formé dans le cadre du programme « Ecowatcher » de sensibilisation à l’utilisation rationnelle de l’énergie, animé par l’asbl Empreinte à la demande du CPAS de Ciney. Ces « ecowatchers » ont vu une production théâtrale d’un autre groupe à Profondville, et enthousiastes, ils ont créé le collectif « Ils l’ont fait, nous aussi »! Le spectacle a été monté avec l’aide de la Compagnie Buissonnière, spécialisée dans les créations théâtrales avec des publics fragilisés.

Sur le thème de « la fin du monde » (très en vogue fin 2012, c’était l’époque du fameux calendrier maya), la création collective a rencontré un grand succès, à Ciney puis dans d’autres villes de Wallonie. Le spectacle a déjà été joué plus de 10 fois et plusieurs représentations sont encore prévues d’ici fin 2014.

2. Les AmbaPa’s sont des habitants de l’Espoir, un habitat groupé de Molenbeek dont ils ont été les initiateurs. Le bâtiment, passif, est la concrétisation d’un projet porté durant des années par un groupe de familles immigrées qui avaient des problèmes d’accès au logement. Grâce au soutien d’associations et de services publics, depuis 2010, 15 familles sont propriétaires de leurs logements passifs. Vivre dans de tels logements nécessite de changer ses habitudes et d’effectuer un suivi rigoureux, associant tous les habitants.

Cet apprentissage collectif a fait naître l’idée des « AmbaPa’s »: ces ambassadeurs du passif se réunissent mensuellement et aident volontairement les locataires de nouveaux logements sociaux passifs de la commune, à apprivoiser leur habitat. Des mères de famille parlent à d’autres mères de famille… Leur vécu est plus pertinent que le langage des techniciens.  Leur initiative pousse aussi les services communaux et les architectes à s’adapter. Les AmbaPa’s se tiennent informés des évolutions dans l’habitat passif: ils visitent les nouveaux bâtiments avant d’y faire des animations… Leur approche de la sensibilisation évolue aussi.

 2. En quoi ces projets s’inscrivent-il dans la transition ?

Qui dit transition dit aussi innovation et expérimentations dans les modes de sensibilisation et d’éducation. Mais surtout, ces deux exemples illustrent, chacun à leur manière, ce que signifie cette fameuse « capacitation citoyenne » (empowerment, en anglais): les publics visés s’approprient l’enjeu, expérimentent et communiquent à leur manière, bien plus pertinente et convaincante parce qu’ancrée dans leur vécu, leurs besoins, leurs spécificités. Plutôt que  de leur apprendre – de façon quelque peu paternaliste – les gestes visant à diminuer leur consommation d’énergie, la méthodologie « Ecowatcher » visait davantage à valoriser leurs compétences et à échanger leurs savoirs (chacun connaissait l’un ou l’autre truc et ficelle). Il visait aussi à leur apprendre leurs droits, à les défendre, et à avoir une action citoyenne. C’est de cette dimension citoyenne qu’est née leur envie de monter la pièce de théâtre. Le groupe a pris le pouvoir. Ils deviennent eux-mêmes des acteurs de l’éducation populaire… On est autant dans l’éducation par l’environnement que dans l’éducation à l’environnement.

3. Quels sont les succès/difficultés de ces projets?

« Sauve qui peut »: legroupe de départ a évolué, certains sont partis, d’autres se sont ajoutés… Des ecowatchers du départ, seules deux ou trois personnes ont poursuivi l’aventure. Celles qui les ont rejointes sont aussi devenues « ecowatchers ». De tels mouvements sont souvent constatés dans ce genre d’expérience. D’où l’importance d’une coordination volontaire pour garder le cap (ici, assurée par le CPAS et la cie théâtrale).

Le récit de cette création a été retranscrit collectivement avec l’aide de l’asbl Periferia, dans un livret sur la Capacitation Citoyenne. Un expert en énergie, au sortir du spectacle, est impressionné: quand lui-même organise des conférences informatives, ce n’est pas la foule. Peut-être que ça irait mieux en théâtralisant le propos! Ainsi, l’initiative fait boule de neige, pas seulement auprès de publics fragilisés…

AmbaPa’s: une des difficultés rencontrées concerne les ados: comment leur dire de limiter l’usage des appareils électriques (vidéo, PC,…)  et de faire attention à leur consommations , sans que ce ne soit perçu comme « une contrainte de plus imposée par les parents » ? Parvenir à les impliquer dans le suivi du passif est un vrai défi. Aussi, pour les habitants de l’Espoir, ce suivi rigoureux des consommations (compteurs) était indispensable pour rencontrer les objectifs et contraintes financières de leur projet. Dans les logements sociaux, la dynamique est différente. Les propriétaires (pouvoirs publics) doivent jouer leur rôle.

A présent, les AmbaPa’s doivent gérer leur succès: on les invite partout mais ils limitent leur champ d’action à Molenbeek. Ce succès questionne l’engagement bénévole. Celui-ci a des limites. Mais c’est aussi la force du projet: l’expertise du vécu n’a pas de prix… Reste à voir si la Maison de Quartier Bonnevie restera en mesure d’assurer l’encadrement de ce projet.

4. Liens utiles

Présentation de la rencontre du 26 juin organisée par le Réseau Idée (traces disponibles en novembre 2014)

« Sauve qui peut » sur le site de la Ville de Ciney

Site de la Cie Buissonnière

Blog de l’Espoir à Molenbeek

Site de la Maison de Quartier Bonnevie à Molenbeek

 

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